(Mes) 5 erreurs de facilitation à ne pas reproduire

Les retours d’expérience sont rares sur les temps collectifs que nous, facilitateurs et facilitatrices, pouvons organiser et (faire) vivre. Dans cette série de témoignages (tous vrais !), je souhaite montrer l’envers du décor pour tous les futurs praticiens débutants ou rassurer les pros que vous n’êtes pas seuls 🙂

Pour avoir une expérience d’intelligence collective dynamique, puissante et engageante, vous aurez besoin de beaucoup de préparation, de quelques outils et d’un peu de magie. Je ne suis donc pas David Copperfield et voici quelques erreurs (fail en anglais) que j’ai faites par le passé.

Je vous recommande :

  • soit de les expérimenter pour vous faire votre propre apprentissage
  • soit de les éviter pour ne pas vous retrouver dans une situation délicate
  • de partager vous aussi vos “fails”, par exemple sur LinkedIn en relayant cet article par la même occasion

J’ai grandi dans mes pratiques de facilitation en faisant ces erreurs. Avec le recul, elles sont bénéfiques même si le jour J, je n’étais pas forcément très à l’aise. Ces histoires datent un peu mais elles sont de bons rappels à garder en mémoire.

Dans un souci de confidentialité (et de longueur de texte), je ne peux pas donner tous les détails de chaque histoire. J’ai donc choisi un axe résolument synthétique !

Fail #1 : Des participants non informés en amont

  • Contexte : Service public
  • Type d’atelier : 2 jours de séminaire pour installer l’Agilité dans une équipe d’une quinzaine de personnes
  • Que s’est-il passé ? Je découvre le jour J que les participant(e)s n’ont pas été informés de la tenue de ce séminaire et ignorent le programme, les objectifs etc. 2 personnes se sont senties totalement prisonnières et étrangères à ce qui se passait pendant les 2 jours.
  • Apprentissages et bonne pratique à reproduire :
    • Bien mobiliser mon sponsor avant le séminaire pour que lui-même mobilise ses équipes
    • M’assurer que l’invitation est faite par le sponsor ou par moi s’il ne sait pas faire
    • Interroger en ouverture de séminaire le niveau de motivation des participants

Fail #2 : Le choc des cultures

  • Contexte : Service public (encore :-))
  • Type d’atelier : Atelier de feuille de route
  • Que s’est-il passé ? Une vingtaine de personnes (dont quelques managers) étaient mobilisés pendant une journée pour définir collectivement la suite du projet et valider les grandes orientations. Ce type de journée était une grande première car mélanger les différentes couches de l’organisation ne se faisait pas à l’époque. 2 managers présents (les plus “gradés” en l’occurrence) n’ont pas apprécié d’être mobilisés physiquement sur des ateliers de réflexion. Ils n’avaient pas l’habitude de travailler autrement qu’assis autour d’une table, ni avec des post-it et en utilisant des techniques créatives comme je leur proposais. Je les ai sentis également très stressés de devoir s’exprimer devant un public d'”opérationnels”.
  • Apprentissages et bonne pratique à reproduire :
    • Installer les interactions entre des participants où règne la hiérarchie
    • Tester le niveau de mobilisation physique des participants en ouverture de l’atelier
    • Rencontrer les “gradés” avant la grande journée pour être certain de leur intérêt pour ce type de démarche

Fail #3 : Le filage d'atelier en mode gloubi boulga

  • Contexte : Grande entreprise de transport
  • Type d’atelier : Atelier énergisant face à un public de 150 managers avec sensibilisation à la facilitation graphique imposée, déroulé de la journée quasiment fixé à la minute
  • Que s’est-il passé ? Les activités prévues dans le programme de la journée n’avaient pas de lien entre elles : tantôt très relax, tantôt très sérieuses. J’avais pour mission d’animer une séquence post-déjeuner (gargantuesque), en facilitation graphique sur “Réfléchir et améliorer sa posture de manager” après une matinée hyper tranquille pour les participants. Mon intervention était déconnectée de ce qui s’est passé le matin. Les participants n’ont pas compris la séquence, ni pourquoi utiliser le visuel, ils se sont ennuyés à l’évidence pour la quasi majorité. Pour bien enfoncer le clou, la directrice générale intervenait juste après sur un sujet qui n’avait toujours aucun lien, ni avec la matinée, ni avec mon intervention.
  • Apprentissages et bonne pratique à reproduire :
    • Valider un filage cohérent du début à la fin
    • Refuser la prestation si le manque de cohérence est pressenti
    • Être au clair sur le fait qu’une co-construction implique également une co-responsabilité du résultat de l’expérience

Fail #4 : Le cadre léger trop rigide

  • Contexte : Formation pour un public de coachs
  • Type d’atelier : Inclusion de démarrage de journée de type météo intérieure
  • Que s’est-il passé ? J’ouvre la deuxième journée de formation par un exercice d’inclusion.  Chaque participant donne à tour de rôle sa météo intérieure à partir des 4 propositions représentées. L’un des participants refusait de participer car aucune des météos ne lui convenait et de toutes façons “il n’aimait pas être mis dans une case”. J’ai insisté car l’exercice était vraiment sans enjeu et tellement léger dans mon esprit. Ça l’a braqué. Résultat : ambiance lourde pour le reste de la journée avec le groupe qui n’a pas compris pourquoi je suis resté aussi rigide dans mon animation. 
  • Apprentissages et bonne pratique à reproduire :
    • Rester souple sur le cadre et abaisser encore plus ma posture
    • Accueillir les propositions à partir du moment où elles ne remettent pas en question les objectifs du déroulé
    • Toujours penser “Oui et…”
    • Bien relire les Accord Toltèques avant une intervention pour des confrères

Fail #5 : Le jeu c'est très sérieux

  • Contexte : Entreprise informatique
  • Type d’atelier : Atelier Hélium Stick (bâton d’hélium)
  • Que s’est-il passé ? Exercice pour lancer l’après-midi, énergiser les participants et introduire la séquence pédagogique. Une participante a très mal vécu les réactions générées (cris, accusations, désignations de coupables, injonctions, ordres, etc.) des joueurs et a retrouvé tout son quotidien d’équipe cristallisé en quelques minutes de jeu. Elle a été envahie d’émotions particulièrement négatives qui l’ont amené à décider de quitter la pièce et donc la formation. Elle n’est pas revenue  après.
  • Apprentissages et bonne pratique à reproduire :
    • Aucun jeu/atelier n’est anodin dans l’absolu même si l’immense majorité des expériences prouve l’inverse
    • Rester attentif au langage verbal et non verbal de chaque participant à chaque instant d’un atelier. Guetter le moindre signal faible d’une émotion inconfortable
    • Sécuriser le cadre avant le lancement de chaque activité  notamment en demandant si des personnes sont hypersensibles

Ces erreurs sont autant de points de repère essentiels dans ma pratique aujourd’hui. Elles me rappellent :

  • L’humilité à garder. Organiser des temps collectif c’est se frotter à une complexité qui nous dépasse
  • La préparation indispensable. En élargissant la réflexion sur les risques possibles et en prenant en compte plus de facteurs que simplement les aspects ludiques
  • La vigilance à maintenir. Au cœur des expériences que nous proposons se trouvent des hommes et des femmes dont nous ne connaissons pas grand chose de leur histoire, de leur sensibilité et de leurs émotions
  • De garder cette innocence dans la facilitation. Le piège serait de penser les prochains ateliers à travers le prisme de ces erreurs au risque de perdre cette flamme, cette énergie et cette envie d’innover car la facilitation est aussi une prise de risques
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