Facilitation graphique : 4 erreurs à éviter en séminaire

Si la facilitation graphique peut être abordée sous de nombreuses facettes (voir ma conférence sur les 11 usages de la facilitation graphique sur YouTube), sa popularité en séminaires ou autres ateliers d’intelligence collective ne faiblit pas. C’est d’ailleurs très souvent lors de ces évènements que les personnes découvrent cette pratique par les réalisations de scribers, professionnels (ou non) qui transcrivent visuellement ce qui se dit, se passe, et se créée. 

Scribing Happy family
Exemple de fresque réalisée en séminaire

La plupart du temps, les témoignages des participants sont bons lorsqu’ils voient une ou plusieurs fresques témoignant des moments qu’ils viennent de vivre. 

Dans cet article, je vais m’intéresser à toutes ces autres histoires où la prestation de facilitation graphique a déçu ou n’a pas amené l’impact espéré. Je ne suis pas parfait, j’ai aussi accepté ces erreurs lorsque j’ai débuté. Mais l’expérience, la conception, la facilitation de nombreux ateliers et les échanges avec mes confrères me permettent aujourd’hui de flairer lorsque le terrain n’est pas assez propice à l’inclusion d’une forme de facilitation graphique. 

Et pour développer mon propos, quoi de mieux que de m’appuyer sur une demande cliente réelle.

Le contexte

Un client souhaite organiser un séminaire d’une journée. La thématique principale est la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Il a donc réfléchi à l’organisation de sa journée. Comme il a déjà vu un facilitateur graphique en action, il se dit que ce serait super d’en avoir un pour cette journée. Voici le cadre de l’intervention : 

  • Durée : 1h30 à 2h
  • En prise de notes pendant 3 ateliers qui ont lieu pendant 1h30. Les thématiques sont : l’éthique, l’inclusion, la diversité et la raison d’être. Le format est inspiré des World Café
  • Le facilitateur graphique va de groupe en groupe toutes les 30 min pour capter les échanges animés par des membres de la direction
  • Les livrables sont des comptes-rendus illustrés pour chacun de ces ateliers, au format A3 de préférence. Ils seront affichés plus tard dans les couloirs de l’entreprise
  • Il n’y a pas de présentation des planches après les ateliers

De nombreuses erreurs de design se cachent dans cette description. Vous les avez peut-être identifiées ? 😉 Je vais m’attarder sur les 4 principales ayant retenu mon attention. Si vous les croisez un jour, vous saurez comment les prévenir.

Erreur #1 : Le facilitateur graphique va de groupe en groupe toutes les 30 min

Erreur #1 : Le facilitateur graphique va de groupe en groupe
Quand le facilitateur graphique assiste à tous les ateliers

C’est un grand classique qui met tout le monde en difficulté :

  • le facilitateur graphique, car il fera un travail partiel
  • le client car il ne retrouvera pas la notion de compte-rendu
  • et les participants qui ne verront pas toutes leurs idées

Explication : 3 ateliers d’1h30 représentent 4h30 au total. Le facilitateur graphique n’ayant pas de don d’ubiquité, il travaillera 1h30 seulement. Il n’assistera donc pas à 3h d’atelier soit 3h d’informations qui n’apparaitront sur aucune synthèse, c’est impossible.

Une solution logique serait de proposer 3 facilitateurs graphiques, 1 par atelier. Bien souvent, cette solution est écartée pour des raisons budgétaires.

Une autre solution que je propose généralement est de rester tout le temps sur un seul atelier, celui qui nécessite le plus de garder une trace.

Autre solution : accepter non plus de faire des comptes-rendus, mais plutôt un reportage visuel (qui capte davantage l’ambiance générale plus que le contenu). On peut alors se poser la question de l’intérêt de l’afficher et de l’impact qu’il aura.

Enfin, lorsque le timing le permet et que je suis sollicité par mon client sur le design de la journée, je lui propose de revoir le format complètement car à l’évidence, aucune des précédentes solutions n’est entièrement satisfaisante.  

Erreur #2 : Produire au format A3

Le format A3 avec les marqueurs
L'inconfort du format A3 avec les marqueurs

Ne vous méprenez pas, je fais des scribing en A3 🙂 Je n’ai rien contre ce format, bien au contraire, il offre de l’espace et un confort de travail intéressant … quand on travaille avec des feutres classiques (voir le livre blanc : Facilitation graphique : Quel matériel utiliser ?)

L’intention ici est d’afficher les planches dans les couloirs, il faut donc que les informations (images et textes) soient lisibles. Le matériel à utiliser serait donc plutôt des marqueurs.

Si vous avez déjà essayé de travailler au marqueur sur du A3, vous avez dû vite vous retrouver à l’étroit. Donc si je veux rester en A3 avec mes marqueurs, je vais sans doute perdre l’esprit d’un compte-rendu sur une page car je mettrai très peu d’informations. À moins de faire plusieurs feuilles A3 ! Là ça se complique pour la production (faire un compte-rendu en plusieurs feuilles A3 qui restent cohérentes visuellement) et l’affichage (pleins de feuilles A3 à afficher, le rendu esthétique risque d’être moyen).

Si le format A3 a cette qualité de laisser le facilitateur graphique facilement mobile d’un atelier à l’autre, l’information risque d’être écrite avec des caractères trop petits et donc peu lisibles.

La meilleure solution reste de travailler sur des panneaux de grandes tailles. Ils seront facilement affichables, visibles et lisibles.

Erreur #3 : Réaliser en live ce n'est pas faire un compte-rendu

Le-beurre-et-largent-du-beurre
Quand tu veux le beurre et l'argent du beurre

Cette confusion est encore très répandue. Là on veut le beurre et l’argent du beurre. C’est à dire avoir la qualité d’un compte-rendu et réalisé en direct. Je comprends tous les clients qui veulent cela. Je travaille ma pratique pour y arriver mais aujourd’hui il est très difficile d’offrir ce niveau de livrable.

La raison ne réside pas dans la compétence de l’intervenant, ni même avec la facilitation graphique d’ailleurs. C’est la nature même de la demande qui ne va pas.

Prenons un exemple classique de réunion pour laquelle un responsable du compte-rendu (texte) est désigné. Va-t-il produire le compte-rendu pendant la réunion ou après ?

Au mieux, si le compte-rendu se limite aux actions décidées, l’illusion sera parfaite. Sinon, je vous parie ma boîte de marqueurs que le compte-rendu sera rédigé à partir de l’ensemble des notes collectées pendant la réunion.

Dans notre exemple client, c’est la même chose. J’explique toujours à mes clients que la synthèse de l’atelier n’est pas un compte-rendu. La synthèse (ou scribing) se fait en direct sans problème, le compte-rendu (c’est à dire une modélisation) se réalise à froid, après l’atelier.

La solution la plus simple sera donc de faire de la pédagogie pour clarifier le niveau de livrable attendu. Si mon client insiste pour avoir un compte-rendu visuel, la prestation devra être étendue.

Erreur #4 : Pas de présentation des planches après les ateliers

quand le facilitateur graphique est en mode mute
Quand le facilitateur graphique est en mode mute

Là encore, nous sommes face à un classique 😉 Si je suis le déroulé, le facilitateur graphique va produire des planches et sans doute les afficher quelque part dans la salle de l’atelier. Les participants les découvriront au mieux à la pause ou à la fin de la journée avant de rentrer chez eux (donc en coup de vent) soit lorsqu’elles seront affichées dans l’entreprise.

Je me pose alors la question d’avoir un facilitateur graphique présent car la valeur ajoutée n’apparaît pas de manière évidente. Si je me mets à la place d’un participant, j’aurais vu une personne qui s’est promenée et qui aura dessinée dans son coin … et c’est tout 🙂 Il est peu probable que cette expérience de facilitation graphique laisse une trace dans l’esprit du public.

La meilleure solution (et de loin) est toujours d’inviter le facilitateur graphique à faire une restitution à partir des visuels qu’il aura produit. Oui mais … ça prend du temps qu’il faut prévoir dans le déroulé général. La restitution est une étape à part entière à intégrer dans le programme de la journée.

Ou alors, on peut aussi se dire que la présence le jour J n’est pas indispensable et donc produire le compte-rendu avec le client après l’évènement.

À l’inverse, on peut considérer qu’en étant présent le facilitateur graphique va mieux s’imprégner de ce qui est échangé, si vous avez prévu de produire le compte-rendu après (voir erreur #3)

Conclusion

Je rassure tout le monde sur le fait que ces erreurs sont classiques et communes. Je suis tombé dans ces pièges à mes débuts et vu la popularité grandissante de la facilitation graphique, d’autres organisations les reproduiront.

Si vous êtes client, je vous invite à vous inspirer des propositions que j’ai formulées ou encore mieux, demandez conseils à votre facilitateur graphique !

Si vous êtes facilitateur graphique, je vous invite en tant que confrère/consœur (à continuer) à faire de la pédagogie auprès des clients. Il n’y a dans l’exemple de cet article aucune évidence, aucune volonté de concevoir un mauvais design. Nous avons, je pense, un devoir de conseils. Partageons nos recommandations et nos expériences pour concevoir d’excellents design d’ateliers et de séminaires.

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