Dans mon réseau professionnel et personnel, je vois deux mondes coexister. D’un côté, l’effervescence des réseaux sociaux avec des publications LinkedIn où chacun.e teste des outils IA, très enthousiaste à l’idée de découvrir les dernières nouveautés. À peine le temps de découvrir un outil ou une mise à jour qu’un autre arrive ! C’est un peu biaisé puisque mon réseau est très orienté tech et design, l’IA est partout. Des proches travaillant dans d’autres secteurs n’ont pas encore croisé cet engouement. Ça montre bien que l’arrivée de l’IA dépend beaucoup du secteur dans lequel on évolue, et de ce qu’on en attend vraiment au quotidien.
Et puis il y a la réalité du terrain : pour le moment nos clients, tous domaines et âges confondus, utilisent encore très peu ces outils dans leur quotidien. Ils manquent de temps, parfois d’intérêt, et souvent de cas d’usage concrets.
Précision importante : Cet article explore l’usage de l’IA dans le domaine spécifique de la pensée visuelle et de la facilitation graphique. Bien que des parallèles puissent être faits avec la création artistique ou les débats sur son potentiel à remplacer les illustrateurs et graphistes, l’objectif ici est de comprendre comment ces outils peuvent enrichir, compléter, ou transformer la pratique du facilitateur graphique.
Alors pourquoi on teste l'IA ?
On est naturellement curieux chez SuperTilt. Comme beaucoup, on observe cette tendance à intégrer l’IA dans la création visuelle. Alors on teste, on s’interroge, mais on reste prudent.
Nous avions testé Dall-E et Midjourney à leur sortie pour générer des images avec un style “sketchnoter à la main”. Nos premiers essais n’avaient pas été très convaincants. Les visuels générés manquaient souvent de personnalité, avec un style cartoon générique et des couleurs trop saturées. Trop d’homogénéité, trop peu d’âme ou un résultat trop léché… On était à mille lieues de l’authenticité et de l’impact du trait à la main.
Oui mais voilà, l’IA évolue à la vitesse de l’éclair et nous voyons déjà une nette amélioration dans la qualité des visuels générés. Alors on ne ferme pas la porte et les évolutions sont tellement rapides que je ne tiendrai peut-être pas le même discours dans quelques mois. D’ailleurs pour obtenir des cartes mentales à partir de croquis ou faciliter des schémas complexes, l’IA est en revanche déjà bluffante. C’est ce que nous allons voir dans cet article qui est en quelque sorte un partage de notre veille sur la thématique IA. C’est parti pour un état des lieux des tests que nous avons réalisés.
Les outils que nous avons testés
1. La génération d'images avec ChatGPT ou Mistral
Nous avons bien sûr testé la génération d’images avec ChatGPT et le Chat de la start-up française Mistral. Tous 2 intègrent un générateur d’images permettant de créer des visuels simples à partir de prompt textuel directement depuis leur interface.
➡️ Exemple de test :
Prompt utilisé : “Crée un pictogramme minimaliste représentant l’idée d’objectif, dessiné dans un style manuel, au feutre fin noir sur fond blanc. Les traits doivent être légèrement irréguliers pour conserver un effet dessiné à la main. Le rendu doit évoquer une illustration rapide, réalisée par un amateur. L’objectif est d’égayer un compte rendu de réunion.”
Résultat avec ChatGPT

Résultat avec le Chat de Mistral

Résultats :
Les résultats sont propres, les pictogrammes fonctionnels (bien que le cœur de Mistral ne soit pas très pertinent), mais loin d’avoir l’authenticité d’un trait dessiné à la main. Ces outils peuvent dépanner pour des besoins simples, comme illustrer une note ou un compte rendu, mais ils ne remplacent pas un dessin réalisé par un humain.
2. Napkin.ai : Transformer le texte en carte mentale
Napkin propose de générer des cartes mentales, des diagrammes et des organigrammes à partir de simples blocs de texte. On lui transmet des notes et il propose un grand nombre de modèles de cartes mentales.
➡️ Cas d’usage testé : poser une structure visuelle rapidement pour un projet, un compte rendu de réunion ou encore clarifier ses réflexions.
Voici les notes transmises à Napkin

Un exemple de carte mentale proposée par Napkin

Autre exemple avec les notes d'une réunion d'équipe


Résultats :
Napkin propose un grand nombre de modèles visuels, ce qui est vraiment pratique pour clarifier ses idées rapidement. Parmi les outils testés, c’est celui qui m’a le plus convaincu. Même si le résultat reste standardisé, il permet de gagner du temps, surtout dans les phases de préparation.
3. Seelab.ai : Personnaliser l’IA avec son propre style
Ici on va un cran plus loin. Seelab permet d’entraîner une IA sur vos propres illustrations pour qu’elle puisse les reproduire ou les prolonger. Le designer et illustrateur Yoni Attlan a, par exemple, utilisé Seelab pour prolonger ses illustrations manuelles et finaliser des projets laissés en pause. “Après quelques heures d’entraînement, mon modèle personnalisé était prêt. Le résultat ? Bluffant. Voir l’IA reproduire mon style avec une telle précision, c’était fascinant… et un peu flippant aussi”
➡️ Cas d’usage potentiel : dessiner la première vignette d’un projet et laisser l’IA prendre le relais pour générer les suivantes. Une complémentarité intéressante, même si je m’interroge sur la fidélité de la reproduction.
Limite :
En version gratuite, je n’ai pas pu tester l’entraînement de l’IA avec mes propres visuels. Mais les retours d’utilisateurs comme Yoni Attlan montrent un vrai potentiel. L’idée de reprendre des projets laissés en pause grâce à l’IA est intéressante. Je vous laisse découvrir les résultats bluffants dans son post ci-dessous.
4. Visual Thinker : générer une synthèse visuelle
Visual Thinker est conçu pour transformer des idées textuelles en visuels, comme des diagrammes ou des illustrations conceptuelles. L’objectif est d’automatiser la création de schémas à partir d’une simple description textuelle. Dans le même genre, il existe AI Sketchnotes generator avec lequel j’ai obtenu le même type de résultat.
Cas d’usage testé :
J’ai demandé à l’outil de “générer une représentation visuelle de la règle des 2 minutes pour la gestion du temps”, qui se résume en deux étapes simples :
- Si une tâche prend moins de 2 minutes, faites-la immédiatement.
- Si elle prend plus de 2 minutes, planifiez-la ou déléguez-la.
Résultats :
Le visuel généré était divisé en deux sections, c’est une bonne approche pour structurer les étapes. Les icônes utilisées, comme le sablier et le calendrier, étaient pertinentes pour illustrer les concepts. Mais il y a plusieurs problèmes majeurs :
- Le texte incorrect et confus : Les phrases contiennent des erreurs et sont mal formulées, le message est difficile à comprendre
- Trop de détails inutiles : De nombreuses horloges et icônes répétitives surchargent le visuel
- Structure visuelle peu claire : Bien qu’il y ait deux sections, il manque une logique fluide pour guider la lecture
L’outil manque de précision et improvise en combinant des éléments visuels sans véritable compréhension du sujet. En l’état, il pourrait servir de base d’inspiration, mais il demande beaucoup de travail manuel pour devenir exploitable. L’IA n’est pas encore prête à générer des visuels pédagogiques sans supervision humaine.
Ce que je retiens des tests
Ces tests me confirment le fait que l’IA peut simplifier certaines tâches ou aider à structurer des idées, mais elle n’apporte pas (encore) la richesse d’un dessin fait à la main. Ce qui rend la facilitation graphique unique, c’est ce trait vivant, spontané, qui capte l’attention et transmet une émotion.
Pour moi, l’IA reste un outil complémentaire. Elle peut aider à poser des bases, à aller plus vite sur des tâches répétitives, mais elle ne remplace pas l’écoute, l’interprétation et cette petite touche humaine qu’on ajoute au crayon. Elle est en revanche très pertinente pour commenter et critiquer nos travaux, je vous invite à télécharger votre visuel dans ChatGPT et à lui demander son avis : “Que penses-tu de ma planche, que comprends-tu, ai-je oublié des éléments ?” Il est très pertinent dans ses remarques !
Ces outils, bien qu’utiles sur certains points, me laissent parfois sceptique, notamment sur leurs limites éthiques, leur impact environnemental et leurs implications plus larges. Si ce sujet vous intéresse, je vous invite à lire mon article “6 raisons de détester l’IA : limites et considérations éthiques” pour approfondir cette réflexion.
Et vous, avez-vous testé ces outils ? Est-ce qu’ils enrichissent votre pratique ou est-ce qu’ils restent des gadgets ? Vos retours m’intéressent, car cette réflexion est loin d’être terminée.
Ressources intéressantes
- AI and Scribing: An Infinite Loop, By Kelvy Bird and Emma Dulski, jun.23, 2023. L’article, en anglais, traite de la manière dont l’IA et la pratique du scribing peuvent s’influencer mutuellement. L’idée principale est que cette interaction entre l’humain et la technologie pourrait enrichir les pratiques créatives et nous pousser à réévaluer notre manière de travailler.
- https://www.comparia.beta.gouv.fr/ : un outil gratuit qui permet de sensibiliser les citoyens à l’IA générative et à ses enjeux
- Cet article du Monde (abonnés) nous apprend que devant les besoins électriques exponentiels des logiciels d’intelligence artificielle, Microsoft, Amazon et Oracle veulent relier des centres de données à des réacteurs nucléaires.
- L’insoutenable coût écologique du boom de l’IA, Reporterre : l’IA consomme énormément d’électricité et d’eau. “D’après une projection de l’Agence internationale de l’énergie, l’industrie mondiale des centres de données, l’IA devrait doubler sa consommation d’électricité d’ici 2026, générant un surplus de 37 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Ce qui représente l’équivalent de la consommation annuelle d’un pays comme le Japon.”
Rejoignez nos prochaines sessions !