La communication non-violente pour désamorcer les tensions

Comment communiquer de façon non-violente et désamorcer les tensions qui sont le plus souvent liées à des malentendus ou des problèmes de communication ? J’ai croisé à plusieurs reprises cet acronyme “CNV” dans mon parcours professionnel pour finalement me pencher sérieusement sur cette approche. J’ai participé à un atelier Chacal et Girafe il y a plusieurs années sans vraiment avoir conscience de son impact. Les années ont passé et je porte un regard nouveau sur cette méthode. Je ne prétends pas être un excellent praticien, mais je l’inscris dans une attention permanente et quotidienne que ce soit à titre privé mais surtout, je dois l’admettre, professionnel.

La communication non-violente est une méthode à explorer pour améliorer la communication envers soi-même, avec les autres au travail, dans le couple, entre amis ou en famille mais également dans l’éducation que l’on donne à ses enfants.

C’est une aide précieuse pour gérer les conflits mais aussi pour mieux se connaître et cerner ses propres besoins. Imaginez le nombre de conflits évités si nous apprenions à bien nous exprimer (donc à bien nous comprendre) et à bien écouter l’autre (sous-entendu à mieux le comprendre) ? Malheureusement ces enjeux ne font pas assez partie de notre culture et de notre éducation, même si je reste optimiste lorsque je vois qu’un certain nombre d’écoles mettent en pratique les messages clairs.

Origines de la communication non-violente

Dans les années 60, Marshall B. Rosenberg, docteur en psychologie clinique, initie la méthode de Communication non-violente ou CNV en s’inspirant notamment des travaux des psychologues Carl Rogers et d’Abraham Maslow, ainsi que de Gandhi et des religions orientales. Dans son ouvrage “Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) “, il décrit précisément des techniques de communication permettant d’améliorer notre relation aux autres. Il explique que la CNV n’est ni une nouveauté, ni une manipulation mentale et que “ses principes sont connus depuis des siècles.”

Les moteurs de la CNV sont la bienveillance et l’empathie. Cette méthode repose sur 4 étapes indispensables du vivre ensemble que nous allons voir dans cet article : observer, ressentir, exprimer son besoin et formuler une demande claire.

Les mots créateurs de tension

Avant de plonger concrètement dans la méthode, posons-nous un instant sur notre manière de réagir face à une situation tendue. Vous les sentez venir (ou pas) ces sujets qui vont inévitablement crisper les relations lors de la prochaine réunion ? Ou cette négociation qui s’annonce difficile ? Êtes-vous plutôt du genre à garder pour vous vos objections au risque d’accumuler de la frustration ou à réagir au quart de tour en utilisant des mots qui dépassent parfois votre pensée ? Nos mots peuvent être une entrave au dialogue, à la bienveillance sans même qu’on s’en rende compte.

“ Bien que nous puissions avoir l’impression que notre façon de parler n’a rien de violent, il arrive souvent que nos paroles soient source de souffrance pour autrui ou pour nous-mêmes ”

La “violence” ici ne fait pas uniquement référence aux insultes. D’autres éléments violents du langage ont tendance à créer des conflits, par exemple :

  • émettre des jugements moralisateurs
  • refuser ses responsabilités : c’est-à-dire, ne pas avoir de sentiment de responsabilité dans les actions qu’on mène au quotidien
  • communiquer ses désirs en donnant des ordres et des exigences. L’autre ressentira forcément la menace d’une punition ou d’un reproche s’il ne répond pas à notre demande
  • manquer d’objectivité
  • faire des comparaisons
  • culpabiliser

L’auteur qualifie ce genre de réactions de communication qui coupe la vie ou communication “aliénante”. Face à un désaccord, une situation tendue on peut aussi :

  • percevoir nos sentiments et besoins
  • chercher à percevoir les sentiments et les besoins de l’autre

Ces 2 dernières façons de communiquer sont les bonnes façons d’utiliser la CNV.

La non violence ce n’est pas la “non colère”, au contraire c’est l’expression claire de la colère avant qu’elle n’explose.

La violence comme expression d’un besoin non satisfait

Imaginez être agacé(e) mais ne pas l’exprimer, être en total désaccord mais ne rien dire, imaginez dire oui alors que vous pensez non. Vous accumulez des frustrations qui peuvent aller jusqu’à l’explosion : c’est l’effet “cocotte minute”, ça vous parle ? Parfois, à l’inverse, on va jusqu’à l’implosion, c’est l’effet dépression ou burn-out. 

L'effet cocotte minute ou pétage de plomb
L'effet cocotte minute

La violence est l’expression tragique et maladroite d’un besoin non satisfait

Une fois que l’on a compris ce point essentiel, a priori, on a plus de facilité à accueillir les remarques de nos chers collègues/amis/proches … du moins à les prendre moins personnellement. Nous avons a priori tous les mêmes besoins fondamentaux (besoins physiologiques, de sécurité, besoin d’appartenance, de reconnaissance, d’accomplissement de soi…). Nous ne les vivons simplement pas tous de la même manière. Pratiquer la CNV implique donc de comprendre nos besoins et ceux des autres. Vaste sujet, qui n’est pas simple puisque nous n’avons pas forcément appris à nous connecter à nos sentiments et besoins.

Les grands principes de la CNV

La CNV demande donc un travail sur soi, une capacité de prise de recul dans la manière d’interagir avec l’autre. Cela demande de se placer en tant que spectateur de la scène que l’on vit.

Imaginons un cas concret pour mieux se projeter dans le réel.

Vous arrivez en retard à la réunion de Jean-Michel, réunion hautement stratégique de lancement du projet X. Jean-Michel vous accueille visiblement énervé et se fend d’une petite remarque cinglante.

Votre sang ne fait qu’un tour, le ton monte. De son côté, et du vôtre.

Stop ! Posez ce stylo que vous pensiez lui jeter au visage !

Interrogez-vous, prenez du recul sur la scène :

  • est-ce que j’échange avec lui en étant dans un état d’esprit de combat, d’hostilité, de rejet, de jugement ?
  • ou est ce que je suis en capacité d’accueillir ses mots tout en restant ouvert et bienveillant malgré les frictions ?
  • Jean-Michel est-il un ennemi, quelqu’un qui entrave ma liberté d’arriver à l’heure qui m’arrange ou un être avec qui je collabore et avec qui j’aimerais encore mieux travailler ?

Avec la CNV, vous tenterez d’apercevoir à quel besoin correspond la colère de Jean-Michel : a-t-il besoin de se sentir rassuré, reconnu en tant que chef de projet ? D’avoir confiance et de compter sur votre soutien pour ce projet ? Et vous, pourquoi vous sentez-vous agressé ? Pourquoi montez-vous le ton ? Observez votre propre fonctionnement pour démanteler vos automatismes.

Cette petite scénette plus vraie que nature mise à part, il est clair qu’avec la CNV nous apprenons à exprimer nos besoins profonds, universels donc communs à tous les êtres humains, et à entendre ceux des autres.

Les 4 étapes de la communication non-violente

Bon mais concrètement, comment faire ? C’est justement ce que nous apporte Marshall B. Rosenberg, du concret ! La CNV s’apprend et surtout se pratique en suivant les 4 étapes suivantes (dans l’ordre) que l’on résume sous l’acronyme OSBD :

Les 4 étapes de la CNV

  • (O) Observation
  • (S) Sentiment
  • (B) Besoin
  • (D) Demande

Voyons ces étapes plus en détails.

  1. Observation. Observer sans jugement c’est à dire exposer un fait neutre et objectif. Prenons un exemple plus personnel que professionnel : “Quand je vois ou quand j’observe que tu ne m’as pas souhaité mon anniversaire… ” Ici il faut bien distinguer observation et évaluation. Nous n’avons pas dit : “Tu as encore oublié mon anniversaire !!” :p. Si nous mélangeons les 2, notre interlocuteur risque d’entendre une critique et de se fermer
  2. Sentiment. Dire son ressenti. Exemple : “Je me sens triste, blessé, déçu…” Identifier et exprimer ses émotions. Il est parfois nécessaire de développer un vocabulaire des sentiments pour pouvoir les exprimer clairement
  3. Besoin. Exprimer clairement son besoin, comme le dit Marshall B. Rosenberg : “ce qui pourrait enrichir ma vie sans que cela soit une exigence.” Exemple : “J’ai besoin de savoir que tu penses à moi, que c’est un jour important pour toi…”
  4. Demande. Formuler une demande d’action concrète qui va contribuer à notre bien-être. L’intention est de susciter chez l’autre une action bienveillante et volontaire. Exemple : “Est-ce que tu pourrais stp me souhaiter mon anniversaire, le noter, pour t’en rappeler… ?”. Comme l’explique Marshall B. Rosenberg pour qu’elle soit une demande, votre interlocuteur doit pouvoir répondre négativement sans craindre des reproches

La phrase à garder en tête

Pour résumer, face à une situation difficile, voici ce que vous pourriez dire de façon CNV : “ Quand je vois/j’entends [décrire la situation sans juger], je ressens [citer l’émotion ressenti] car j’ai besoin [décrire le besoin] alors je demande [citer l’action qui viendra satisfaire le besoin].”

L’objectif avec cette méthode est d’inverser la tendance, de sortir de notre modèle basé sur le rapport de force et la rivalité pour tendre vers la coopération et les relations simples et sincères. “Sincère au sens de ce qui nous anime plutôt que ce que l’on pense d’autrui.” Marshal B. Rosenger parle d’un processus, ce n’est pas linéaire, si on veut l’appliquer, il faut avoir profondément intégré cette façon d’être avec soi.

Lectures et ressources utiles sur la CNV

Il y aurait encore beaucoup à dire mais je terminerai cet article en vous proposant une liste de ressources utiles pour approfondir ce sujet passionnant.

  • “Les mots sont des fenêtres (ou des murs)”, Marshall Rosenberg, Ed. Jouvence, 1999
  • “La communication non violente au quotidien”, Marshall Rosenberg, Ed. Jouvence, 2003
  • “Clés pour un monde meilleur, Communication Non Violente et changement social”, Marshall Rosenberg, Ed. Jouvence, 2009
  • “Cessez d’être gentil, soyez vrai ! Être avec les autres en restant soi-même” Thomas d’Ansembourg, Les Éditions de l’Homme,-janvier 2001
  • Le site francophone sur la Communication Non-Violente propose des formations, vous initie aux outils de la non-violence et publie régulièrement des articles sur la question.www.nvc-europe.org
  • Conférences de Thomas d’Ansembourg : http://www.thomasdansembourg.com

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