Cette semaine, en animant un live lors de notre formation en ligne à la facilitation graphique, on m’a posé cette question : “Est-ce qu’on peut diffuser notre scribing aux personnes absentes ?“. Derrière cette interrogation légitime se cache une confusion fréquente : sketchnote et scribing sont souvent mélangés. Pourtant, ils répondent à des usages radicalement différents. Comprendre cette distinction n’est pas qu’une question de vocabulaire. C’est surtout très utile pour choisir le bon outil au bon moment et éviter les frustrations (“Pourquoi personne ne comprend mon visuel ?”). Alors, sketchnote ou scribing ? On démêle tout ça.
Le sketchnote, un outil de pensée individuel
Le sketchnote, c’est votre espace de réflexion visuelle. Vous en faites si vous en avez envie, si vous n’en avez pas besoin.
Un exemple concret
Ce matin, je préparais une proposition commerciale. J’ai sorti une feuille et j’ai sketchnoté ma structure : quelques mots-clés, des flèches, des zones délimitées au crayon de papier.
- Est-ce que c’était propre ? Non.
- Est-ce que c’était fait pour être diffusé ? Pas du tout.
- Est-ce que ça m’a aidé à structurer ma pensée ? Absolument.
C’est ça, le sketchnote : un outil facilitant pour soi-même. Il n’y a aucune exigence technique. La seule question à se poser : “Est-ce que ça m’aide à mémoriser, structurer, réfléchir ?“
Pourquoi ne pas diffuser un sketchnote ?
Parce que l’histoire s’est racontée dans votre tête. Quand vous sketchnotez, vous créez des ancrages personnels : telle idée vous a fait penser à telle autre, vous avez amplifié ce qui vous parle, ignoré ce qui vous ennuie. Vos filtres sont actifs et c’est normal. Mais si vous diffusez ce visuel à quelqu’un d’autre, cette personne n’aura pas vécu le même cheminement. Elle verra des mots et des dessins… sans comprendre le lien. Le sketchnote, c’est comme lire le journal de bord de quelqu’un d’autre : ça peut être intéressant, mais on ne capte pas tout.
Le scribing : la facilitation graphique en direct
Le scribing, lui, change complètement de logique. Vous êtes face à un public. Vous capturez en direct ce qui se dit dans une réunion, un atelier, une conférence. Et surtout : ce que vous faites est visible. Cette différence logistique (paperboard, ou tablette projetée sur écran géant, vs feuille sur la table) change tout.
Ce qui change en scribing
1. Vous n’êtes plus seul·e
Votre support devient facilitant pour les autres. Ils voient ce que vous dessinez. Ça structure leur réflexion collective.
2. Vous ne choisissez plus l’information
En sketchnote, vous amplifiez ce qui vous parle. En scribing, vous ne filtrez pas : vous capturez ce qui est dit, sans déformer.
3. Vous êtes contraint·e par le temps
Le scribing se termine quand le moment se termine. Pas avant, pas après. C’est du juste-à-temps.
4. Vous ne projetez rien
Même si l’intervenant.e a annoncé un plan, vous ne faites confiance qu’à ce qui est dit maintenant. Pas d’anticipation. Pas d’hypothèses.
L’anecdote Luc Ferry
Il y a quelques années, j’ai scribé une intervention de Luc Ferry (ancien ministre de l’Éducation) devant 200 entrepreneur.es. Juste avant de monter sur scène, je lui demande : “Quel est votre message principal ?” Il me répond : “Le travail est consubstantiel à l’humanité.” Génial. Je visualise déjà le lien graphique entre humanité et travail. Je l’attends. Il n’a jamais prononcé cette phrase. Ni au début. Ni au milieu. Ni à la fin. Leçon retenue : en scribing, on ne fait confiance à personne. On ne fait confiance qu’à ce qu’on écoute, ici et maintenant.
Alors, on diffuse ou pas son scribing ?
Bonne question. Le scribing a servi pendant la réunion. Il a facilité la réflexion collective. Les personnes présentes ont vu les idées se structurer en direct.
- À qui peut-on le diffuser ?
Aux participants présents. Parce qu’eux ont vécu le moment. Ils pourront se rappeler des échanges, des nuances, des débats. - Et les absents ? Ils risquent de ne rien comprendre. Il leur manque toute l’histoire qui s’est déroulée pendant la réunion. Ça ne veut pas dire qu’on jette le scribing. Mais sa diffusion reste restreinte.
Le piège de l’optimisation
On aimerait bien faire d’une pierre deux coups : scriber en réunion ET avoir un support diffusable à tout le monde après. Le problème, c’est que ce sont deux usages distincts.
- Le scribing capte une information émergente en direct.
- Un support diffusable nécessite une information structurée, pensée pour être comprise sans contexte.
C’est là que la modélisation entre en jeu (on en reparlera dans un prochain article). Mais en attendant : un usage, un support.
Checklist rapide : suis-je en sketchnote ou en scribing ?
Checklist rapide : suis-je en sketchnote ou en scribing ?
| Critère | Sketchnote | Scribing |
|---|---|---|
| Pour qui ? | Moi | Un groupe |
| Visible ? | Non (ou juste mon voisin) | Oui (paperboard, écran) |
| Filtres actifs ? | Oui, je choisis | Non, je capte tout |
| Contrainte de temps ? | Aucune | Forte (fin = fin du moment) |
| Diffusion ? | Pas recommandé | Participants présents uniquement |
Maintenant que vous savez faire la différence, vous pouvez choisir en conscience. En réunion d’équipe lundi, vous voulez juste ancrer vos propres idées ? Sketchnotez tranquille. Vous animez un atelier et vous voulez que tout le monde visualise la discussion ? Passez au scribing. Et si vous voulez créer un support diffusable après ? On en reparle au prochain article 🙂
Pour aller plus loin
Si ce genre d’astuce vous inspire, découvrez nos formations à la facilitation graphique. Elles vous apprendront à représenter les idées, les émotions et les interactions de manière claire, expressive et accessible.