J’ai reçu cette question du responsable d’un CODIR suite à une présentation sur la priorisation par la valeur :
“Nous sommes tous alignés sur la nécessité de prioriser sur les éléments qui créent ou captent de la valeur (mais c’est bien de le rappeler car pas toujours le cas). Mais est-ce que la valeur est la même pour tous ? C’est souvent le problème dans nos entreprises, où une décision sur une priorité peut être remise en cause par d’autres départements car prioritaires pour eux.“
L’alignement sur les priorités est effectivement un enjeu majeur, et cette remarque met le doigt sur un paradoxe fréquent : tout le monde est d’accord sur le principe de prioriser par la valeur, mais les désaccords persistent dès qu’il faut faire des choix concrets. Ce phénomène peut être abordé de plusieurs manières selon l’échelle considérée.
L’alignement au niveau d’une équipe
À l’échelle de l’entreprise, la nature du problème change
À l’échelle de l’entreprise, comme l’indiquait ce responsable de CODIR, la problématique change complètement. Il ne s’agit plus d’imposer la valeur de manière descendante, mais d‘inspirer cette valeur pour qu’elle soit véritablement appropriée par tous.
En travaillant avec de nombreux managers et directions, je constate qu’ils font globalement tous le même constat : les orientations sont données, la stratégie est communiquée, et pourtant l’alignement n’est pas au rendez-vous. Il existe plusieurs raisons à cela.
1. La vision stratégique est interprétée et comprise différemment
La stratégie va être lue et interprétée de différentes manières selon les contextes. Une communication descendante, faite une seule fois, n’est pas suffisante. La modalité descendante n’est pas forcément adaptée à toutes les personnes.
L’enjeu est donc que le propriétaire de la valeur fasse l’exercice de rappel régulièrement, que cela en devienne un point d’orgue et surtout un point de suivi. C’est ce que j’appelle “inscrire la valeur au cœur des processus”.
Dans une démarche agile notamment, la question centrale devient : comment suit-on cette valeur ? Il existe des outils pour le faire. Par exemple, je te recommande le livre de John Doerr, Measure What Matters, qui est une excellente source d’inspiration pour comprendre cette mécanique. Il s’agit de rappeler l’ambition périodiquement.
2. Les désalignements structurels priment sur l'intention collective
Même dans l’hypothèse où la valeur serait rappelée correctement et introduite dans les processus, au niveau d’une entreprise, on constate également des désalignements structurels : désalignements sur les KPI, sur les capacités, sur les processus.
Quand il n’y a pas d‘objectif commun qui prime clairement, ce qui l’emporte, c’est d’abord l’objectif individuel ou local. Il n’est donc pas étonnant de voir que certains services peuvent ne pas être alignés, non pas parce qu’ils sont en désaccord avec la priorisation collective, mais parce qu’ils vont d’abord prioriser l’atteinte de leurs propres objectifs.
3. L'organisation n'est pas alignée avec la stratégie
On revient ici sur la question de l’alignement, mais cette fois-ci pour aligner le fonctionnement de l’organisation sur la définition de la stratégie. Dit autrement : est-ce que l’organisation, telle qu’elle est actuellement dans sa configuration de compétences, ses capacités, ses structures, ses modèles de suivi, sa culture, est alignée avec la stratégie ? Bien souvent, la réponse est non.
4. La question de la gouvernance et de l'autorité
Enfin, dans de rares cas, la remise en question d’une décision peut relever de principes de désaccord plus profonds. Cela appelle alors d’autres questions managériales et questionne la gouvernance : qui décide ? Qui fait figure d’autorité ? Et est-ce que les gens sont d’accord avec cette figure d’autorité ?
En synthèse, cette observation est très juste : la valeur n’est effectivement pas la même pour tous tant que nous n’avons pas créé les conditions structurelles, culturelles et de gouvernance pour qu’elle le devienne. Cela passe par un travail continu d’inspiration, de rappel, d’incarnation dans les processus, d’alignement organisationnel et de clarification des autorités décisionnelles.